Bien, je sais j'enchaîne les textes libres, ça fait un peu "prout-prout" mais c'est parce que ce sont des textes que personne n'a jamais lu et donc, je n'ai pas d'avis !
Comme dirait Phoebe : "Je n'ai eu qu'une seule critique, elle était de moi et elle était plutôt pas mauvaise."
Donc ce texte qui va venir fait partie d'un ensemble appelé sobrement "Histoire de Paul et Marilou" où il est question d'une amitié-amoureuse du genre de
Quand Harry rencontre Sally. J'ai écris plusieurs petits passages de leur histoire, à chaque fois par leur deux points de vue. En voici un, il s'agit de la vision de Marilou.
Il se nomme :
Olivia.
Je savais ce qu’était la souffrance avant, mais celle-ci, celle infligée par Olivia je ne l’avais jamais connue auparavant. Voir la personne que l’on aime en secret se faire tripoter par une Olivia, ça vous flanque le moral sous zéro. J’ai toujours détesté ce prénom d’abord, Olivia, la petite olive verte dégueulasse que j’enlève à chaque fois des succulentes pizzas. Olivia était celle qui restait collée sur ma pizza « spécial Paul », avec son noyau noir et le goût qu’elle laisse partout sur les ingrédients. Olivia c’était le riff de trop dans une chanson magique, le plan maladroit d’un film culte, le point noir. Celui de ma vie. Cette fille était apparue d’un coup dans nos vies comme la peste, une sorte de féline longiligne fan de Kusturika (super original, qui ne l’est pas ?), les yeux verts, le grain des joues affiné et des cils si longs qu’on aurait pu les tresser. C’était dans une fête totalement ratée où Paul et Moi avions été conviés par l’intermédiaire de l’ami d’un cousin. Un samedi soir pépère à se foutre de tout le monde en montrant du doigt.
Mais elle est arrivée, un poil en retard comme les grandes stars, les cheveux en chignon et le sourire gravé dans son visage de porcelaine. Drôle, sociable, cultivée, impossible de résister ou de s’imposer. Je suis restée dans mon coin, rongeant mon frein, les lèvres crispées devant le spectacle insoutenable de mon amour en fuite. Paul a toujours été d’une grande méfiance, il laisse toujours un écart entre lui et les autres qu’il comble avec son humour bizarre, voyant jusqu’où celui-ci pour celer un pont. D’une rive à l’autre, un pont solide pour rejoindre son monde. Avec Olivia, il lui a fallut deux heures, deux minuscules heures s’égrainant sous mes yeux au bord des larmes. Cette situation dans ce sofa jaune moutarde m’a semblé d’un pathétique…. Si pathétique que je me suis mise à enquiller tequila sur vodka en accélérant le rythme à chaque pierre posée sur le pont magistral reliant Paul à Olivia. A chaque rire de Paul une gorgée me faisait lâcher prise, à chaque point marqué par Olivia et une lampée de plus m’envoyait en l’air. Au final, j’ai fini bourrée à en vomir derrière les poubelles d’un immeuble. S’en suivirent des jours de cauchemar qu’Olivia piétinait de ses Convers rouges à la mode. De longues nuits blanches à pleurer sur ma chance passée, sur mes incalculables raisons d’aimer Paul, sur ma sensation d’avoir tout raté.
J’ai toujours été en retard sur la vie, 18 ans de perdu rattrapés en quelques années, mais là, j’était sur la touche. Le remplaçant boiteux qui ne frôlera même pas la coupe. Je repensais sans arrêt à ma rencontre avec Paul, tous nos mots échangés me montaient aux oreilles. Cette année avait-elle modifié notre amitié, notre liaison tarée loin des gens, loin du reste du monde, rien que nous. Des textos à trois heures du mat’, des parties de carte cigare entre les dents dans son grenier poussiéreux, des campings sauvages sur l’île du Lac : que restait-il ? Il s’éloignait, il m’éloignait, ELLE nous éloignait. Je n’avais qu’une envie, c’était de tout lui dire, balancer mon amour comme un baluchon d’enclumes. Quitte à briser notre reste d’amitié, mais au moins faire un geste, une dernière pirouette de non-sens qui caractérisait si bien notre « nous ».
Lui me racontait ses week-ends avec Olivia, son premier baiser au cinéma (nausée-tekila-vodka-nuit blanche), et ses lèvres si douces, et son humour si frais, et ses doigts lorsqu’elle le touchait, et mes larmes stockées pendant de longues parties de bowling à trois, et mon Paul qui se faisait la malle. C’était comme dans un film un peu triste et nostalgique où l’héroïne voit son décor changer sans qu’elle y puisse rien. Le temps avançait alors que je voulais le remonter, changer d’aiguillage avant que le train de s’écrase, ne se fracasse contre la falaise du regret. Dans une histoire d’amour de cinéma, le garçon ferait cela dans le but de se jouer de l’héroïne, avec le désir idiot de la rendre jalouse. Alors que là, et à ma grande souffrance, Paul le faisait pour se rendre heureux. J’étais le grain de sable dans la bouteille à la mer, Olivia était le message. J’étais le grain de riz lancé lors d’un mariage, becqueté par un pigeon de passage, Olivia était la mariée. Et, au moment où, les doigts dans la boule de bowling prête à s’engouffrer dans la rigole, je vis Paul rire une énième fois à une blague d’Olivia, je cru que j’avais totalement perdu la partie. J’étais persuadée que la cinquième roue de carrosse allait devenir ma profession, mon sacerdoce. Les carottes étaient cuites, et moi aussi avec toutes ces bouteilles disparaissant au fond de ma gorge serrée de chagrin.
Et puis, cette idée saugrenue de tout balancer à refait surface, je me disais qu’au bout du rouleau à ce point dans une histoire d’amour à sens unique, je ne pouvais que m’enfoncer un peu plus jusqu’à franchir les portes du sacro-saint ridicule. Déclamer mon Amour en vers à la face déconfite du garçon qui ne m’aimait pas, tout un programme auquel ma cervelle noyée de vodka s’accommodait sans complexe. Mais pas question d’y aller n’importe comment en allant hurler sous son balcon. Je décidais de faire ma démarche de la manière la plus romantique et surtout pathétique du monde : en lui envoyant une lettre. Il me restait encore quelques neurones en alerte, pas encore rongés par mon cancer amoureux, et je décidais de les mettre à l’œuvre par une belle nuit de novembre.
Cher Paul,
Sûrement, tu trouveras cette lettre étrange. Peut-être tu seras étonné, triste ou en colère. Je fais ça en ma pleine conscience égoïste, par orgueil, jalousie et dépit. J’ai beaucoup bu ces derniers temps, tentant de noyer mon chagrin dans le tumulte doux de l’alcool mais je n’y suis pas parvenue. Et te voir avec Olivia pendue à ton bras m’est devenu plus qu’insupportable. Je n’ai jamais aimé plus fort, jamais autant voulu de quelqu’un, jamais ressenti de telles choses. J’ai le visage brûlé, j’ai reçu les pires insultes, j’ai lutté contre ma propre solitude mais tout cela n’est rien face à ma blessure pour toi. Je suis une plaie béante dont Olivia attise la souffrance, tu es mon pansement, mon médicament mais j’ai perdu l’ordonnance. J’ai attendu la dernière minute comme d’habitude et ceci est mon ultime recours pour te dire que je t’aime comme jamais personne sur cette putain de Terre ne pourra jamais aimer. J’ai tellement pleuré ces derniers temps que je pourrais remplir une piscine. Et je préfèrerais m’y noyer plutôt que de devoir te perdre et avoir le cœur rongé de regrets. Je suis et serais à tout jamais ton amie mais si tu venais à partir ce serait plus qu’une amitié que je pleurerais. Ce serait aussi un amour déçu, un baiser volé à tes lèvres exquises il y a quelques mois, un Batman farfelu volant au secours de ma solitude, l’inavouable vérité : mon meilleur ami est aussi mon plus bel amour. Je t’aime.
Ta MarilouJ’ai plié le bout de papier et je suis sortie à deux heures du matin glisser ma confession dans la boîte aux lettres de Paul. Sans dormir du reste de la nuit, j’ai imaginé sa réaction, secouant la situation dans tous les sens possibles. Allait-il me renier ? Allait-il au contraire me sauter dans les bras et m’avouer lui aussi son amour ? Allait-il ignorer cette lettre indifféremment ? Tout était alors possible. Lorsqu’on est au bout du chemin, toutes les possibilités nous sont de nouveau offertes, les pires comme les meilleures. Toutes, sans aucun doute, mais je pense que dans mes pensées les plus folles, je n’aurais pas pu imaginer celle-ci.
Clo