Ce petit dernier patientait sur papier... Le voilà numérisé !Insomnie d’une nuitLe réveil au plafond égraine ses minutes. Lui ronfle à côté de moi, le sommeil lourd et profond. Il doit être en plein milieu d’un rêve.
Et hop, une minute de plus !
L’ordinateur là-bas ronronne, le climatiseur le rejoint dans cette symphonie de sons nocturnes. La veilleuse de l’écran clignote, celles de la télé, du téléphone, de la Freebox et de la souris optique brillent dans l’obscurité.
Je me retourne face contre oreiller. Lui ronfle toujours, je siffle.
Rien. Il continue.
Je me lève, direction cuisine.
La lumière du frigo emplit la pièce, je bois une grosse gorgée d’eau glacée.
Je vais à la fenêtre. Les gars de l’entretien des rails du Tramway sont en bas, dans la rue. Je les regarde bosser un moment. Puis la lune, grosse comme une bille.
Je colle mon visage contre la vitre, un peu de fraîcheur.
Je pense aux gens qui dorment. A tous ceux dont le souffle rythmé accompagne les rêves.
Pourquoi je ne peux pas moi ?
Je me sens incroyablement seule, livrée à mes pensées que la nuit saupoudre d’une noirceur détestable.
Je retourne au salon, m’affale sur le canapé tout près du climatiseur. Je joue un instant avec mes cheveux, les laissant voleter sous la respiration automate de l’engin. Je repense à la nouvelle que je suis en train d’écrire.
Que pourrait-il bien arriver à cette fille après l’explosion ?
Les idées trottent mais l’obscurité les étouffe.
Tant pis, je retourne au lit et me couvre à peine du drap. De toute façon, lui l’accapare entièrement, roulé comme un nem huileux, suant à grosses gouttes.
Déjà une heure que l’on s’est couché. Et dire que demain il me tannera avec ses :
« - Hé ! Ho ! Je me lève tous les jours une heure avant toi hein ! »
Et moi, je m’endors toutes les nuits deux heures après lui, slalomant entre ses ronflements d’ogre repu.
Je me positionne sur le ventre et ferme les yeux pour la énième fois.
Ne pensez à rien.
Ne pensez à rien….
Mais rien que de penser à rien, je pense déjà à ce à quoi je pourrais bien penser si je me mettais à penser…
Je rouvre les yeux.
Et le ronronnement du climatiseur, et la loupiote qui clignote et le réveil au plafond.
1H56
Je me relève, direction télé.
J’allume le casque sans fil et me pose sur le canapé.
Tiens, un film de Q sur W9, ça va sûrement m’endormir.
Vingt minutes plus tard, voilà que je me demande ce qu’il va bien pouvoir arriver à la femme de chambre et son bon ami le serrurier…ou plombier…De toute façon il ne s’est pas trop servi de ses outils, le fourbe. Il en a bien déballé un mais je doute que l’on puisse s’en servir pour déboucher un chiotte.
Je zappe, direction Europe2TV.
Ces poufiasses de Pussy Cat Dolls ronronnent leur « beep » merdique sur fond de beatbox assommante.
Je coupe le casque et éteins le poste. Je reste allongée sur le canapé.
Lui ronfle de plus belle.
Je me lève et m’approche.
Je siffle.
Rien.
Et dire que j’aurais pu m’endormir avant s’il n’était pas rentré en claquant la porte à onze heure et demie du soir !
Je m’assois sur le lit et re-siffle.
Rien.
Si demain il me refait chier avec son boulot matinal je l’étripe !
Je m’allonge et lui caresse le ventre.
Je claque des doigts.
Rien.
Et cet air si serein qu’il affiche, l’enfoiré !
Je le secoue de toutes mes forces et hurle.
« Hé ! Ho ! La maison brûle !!!! »
Il se réveille d’un bond.
Je ferme les yeux, visage clos.
« Hein, quoi ?? »
Assis sur le lit, il se retourne de mon côté.
J’ouvre un œil.
« Hmmm, laisse-moi dormir… »