Sous le ciel frais d'une matinée pluvieuse, plusieurs soldats allemands encadraient l'homme devenu proie, devenu animal. Vêtu d'un pyjama rayé déchiré de toute part, mais qu'il avait tenté de rapiécer, il était à terre, la tête noyée dans la boue, les yeux révulsés qui, très vite, allaient se refermer. Le chien ne voulait détacher son énorme machoire de sa jambe ensanglantée, et les soldats, amusés, laissaient se poursuivre ce spectacle cruel. Déjà, les autres, attirés par les cris, avaient accouru pour assister au jeu de la "nature humaine", comme disait un grand rasé, qui se délectait de décrire la scène aux camarades restés en contre-bas. On encourageait le chien, qu'il finisse son oeuvre et achève le crevard dans un final sanglant. L'animal semblait avoir conscience d'être au centre d'un cercle d'admirateurs, prêts à lui rendre les armes, à lui accorder la présidence du camp devant sa détermination ; l'envie de tuer, semblait-il démontrer, pouvait mener le monde. Un dernier rappel et les hommes, en furie, crachaient leurs mots sur le visage du prisonnier. Fébriles, déchaînés, ils vociféraient leurs paroles comme on s'exalte devant un match. Le chien décida soudain que l'homme était finalement terminé. Son corps ne fut même pas amené à la clinique.