Mon passage préféré - La Conspiration des ténèbres, T.Roszak

La Conspiration des Ténèbres, Théordore Roszak, tous droits réservés.

Chapitre 6

"Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi ils ont cette magie à nos yeux ? Les acteurs, les stars ? A cause de leur fortune, du glamour, vous croyez ? Non, il y a autre chose. Ce sont les enfants de la lumière." C'était le titre que Castle comptait donner à son film. Les Enfants de la lumière. "Songez à la façon dont nous allons à leur rencontre... dans un lieu obscur, une salle, un monde souterrain." Castle voulait capter la puissance de l'instant "où ces étranges créatures pénètrent dans nos vies, quand elles deviennent la lumière qui brille dans les ténèbres".

Chapitre 9

"Dieu est dans les yeux. Le diable aussi, à chaque fois que tu clignes".

Chapitre 14

Julien se mit en devoir d'exposer ses recherches durant l'heure qui suivit. C'était une théorie remarquable. Il semblait dire que, dans la société capitaliste, il y a, à chaque génération, une tendance inhérente à voir régresser le temps de concentration à mesure qu'augmente la durée de son aliénation, tandis que le système nerveux prolétarien ouvre la voie vers la désintégration mentale. Cette mutilation psychique avait d'ores et déjà un effet culturel visible. De nouvelles formes de cinéma et de musique pulvérisaient tout contenu en fragments plus infimes, plus sensationnels. Les jeunes bourgeois privilégiés ne pouvaient rien comprendre de plus complexe qu'un montage publicitaire. Dans les films destinés aux adolescents, les réalisateurs limiteraient bientôt chaque prise de vues à cinq secondes maximum, puis réduiraient à partir de là. Les paroles des chansons deviendraient vite des phrases inarticulées, répétées à l'infini, pour ne pas durer plus de trois ou quatre secondes.
Au rythme accéléré que connaissait actuellement la réduction de la perception, Julien prédisait que la génération qui parviendrait à l'adolescence en l'an 2000 n'aurait plus aucune faculté de concentration, d'où l'incapacité à absorber un message plus long dans la durée qu'une simple image blanche cinématographique. Même les gags en une phrase et la grosse farce leur deviendraient incompréhensibles. Si, par exemple, on leur montrait une scène classique de tarte à la crème extraite d'un des premiers films muets, ils ne seraient plus capables de se rappeler, quand la tarte atteindrait la cible, d'où elle venait.

Chapitre 28

Angelotti prit une profonde inspiration puis se tut, les yeux fermés. Il semblait avoir plongé dans un instant de méditation. Les yeux blos, il se mit à parler : "Vous étudiez le cinéma, Jon. Très bien, imaginez les cinq derniers siècles défilant comme un film condensé sur une heure. L'enchaînement des faits ne va-t-il pas de soi ? De quoi s'agit-il ? Une histoire d'amour avec le pouvoir, un pouvoir de plus en plus vaste. Notre marché faustien infâme mais si exaltant. Et tout le pouvoir, toutes les grandes découvertes, toutes les grandes théories deviennent des armes. Fusils, bombes, fusées, gaz asphyxiants, chars d'assaut, avions, missiles. Les nations grandissent, les guerres aussi... jusqu'à ce que, pour finir, les guerres deviennent plus grandes que le monde.
"La prochaine guerre sera la dernière. Nous le savons tous. Nous nous demandons juste si quelque chose - les termites, les cafards, les bactéries - en réchappera. Si on associe la bombe et les microbes, peut-être qu'en fin de compte, rien ne survivra à la catastrophe. Il y aura les flammes de l'enfer de la bombe, le fléau de la peste, un ultime hiver universel masquant la lumière pour un milier d'années et puis plus rien, la riche stérile à la place de la pierre féconde."